Depuis l’infiltration de troupes Azerbaïdjanaises sur le territoire de La République d’Arménie dans le secteur du Lac Noir, qu’il nous soit permis de nous douter qu’Aliev caresse l’intention de peser sur la campagne électorale qui bat son plein – dans une stérilité d’échanges qui confine d’ailleurs à l’écoeurement.
Passons-outre dans ce cas les dramatiques questions de sécurité que cela pose. Nous assistons à un moment d’Histoire douloureux où des pans de territoire doivent être négociés avec un adversaire adepte de la mauvaise foi la plus éhontée. A la résultante, le dilemme n’est plus : redessiner la frontière selon le bon vouloir de l’ennemi ou subir un nouvel assaut.
Quant au médiateur Russe, il joue de prudence et de mesure – pour ne pas dire d’inertie – occupé à ménager l’agresseur sans grands égards pour l’agressé. Il fut pourtant saisi par l’Arménie au titre de l’article 2 du Traité de Sécurité Collective (OTSC), mais il suffit d’observer les relations diplomatiques des membres de ce traité avec l’Azerbaïdjan (parmi eux Kazakhstan, Tadjikistan, Kirghizstan) pour en conclure que cette voie sécuritaire constitue un recours bien fragile pour l’Arménie.
Exit également le groupe de Minsk, obsolète, où la France semble indécise ou mal à l’aise dans son rôle d’allié proclamé des Arméniens. Comme les Etats-Unis à ce stade, elle n’a pas suffisamment d’intérêt à agir, et encore moins de moyens à accorder à cette poudrière. Relevons-le tout de même, invoquer le Conseil de Sécurité des Nations-Unies fut une manière intelligente de botter en touche.
Mais alors qu’Aliev détient, torture et assassine des prisonniers civils et militaires qu’il nie détenir au mépris de toute forme de convention civilisée, alors qu’il menace très sérieusement de s’arroger de larges parts de la région du Syunik, bande de terre qui lie l’Arménie à l’Iran dans la course des marchandises, il paraît évident que la question de la souveraineté Arménienne s’efface devant l’enjeu de sa survie. L’Arménie expérimente la contrainte de consentir une nouvelle satellisation aux accents soviétiques, même si le processus était déjà engagé dès les années 2000 pendant la présidence du sinistre Kotcharian. Devenir l’esclave brimée du fantasmatique empire Turkmène néoOttoman qui nous dénie le droit d’exister, périr sous les drones d’un djihad bricolé pour la circonstance, ou vivre en satellite sous-développé. Le choix correspond naturellement à celui de Sauver sa peau.
Ainsi en advient-il d’un trop petit pays sur l’échiquier des disputes de ce monde. Se trouver sur la nouvelle Route de la Soie est gage de richesse et de danger.
Mais reprenons-nous ici : quel peut donc être le but d’un tel billet, au fond ? D’affronter le réel à la manière de stoïciens, passant outre dépit et dégoût. L’option Russe s’impose à l’Arménie, voilà un fait. Soit, après tout, puisque l’époque est à la décadence.
Nous le disions déjà foncièrement stérilisé, le débat public arménien n’apparaît plus au niveau des enjeux, chacun s’invectivant d’agent apatride, comme si les bonnes intelligences avaient été mises en sommeil, s’étaient tues ou écartées. Début d’hiver politique, stigmates d’une Nation qui ne sait plus trouver la force de ne pas vouloir subir sa désunion dans la défaite et l’appauvrissement.
Pour peu qu’il endosse le rôle dans ce contexte, Pachinian a l’opportunité de devenir ce qu’il a combattu pour saisir son moment : un véhicule du pouvoir superviseur, acceptant sa subsidiarité, défait de ses scrupules et d’un peu de son âme. Ce faisant, une fois son chapeau avalé, se déroulerait au palais le scénario du dépressif – intendant expédiant les affaires courantes.
Et si ce n’était lui qui l’emportait à cause de sa cote affaiblie, la très prochaine convocation des suffrages semble avoir régénéré les apparatchiks de l’ancien régime, davantage responsables que lui de cette situation. On nous présente ainsi l’improbable recyclage de l’ignoble clan Kotcharian ; aux relents de banditisme jamais vraiment soldé devant l’Histoire. Puissions-nous y échapper.
Entre humiliations de l’ennemi et humiliation de vivre dans la corruption, le peuple arménien est plongé dans une dualité infernale dont il lui faut sortir.
Dépassons cependant le stade de la déploration. Puisque l’échec de la politique Arménienne se joue sous nos yeux, que faut-il imaginer pour nous orienter sur la voie du réveil et du sursaut ? Comment et dans quelle mesure la diaspora, dont nous sommes des éléments de bonne volonté, peut proposer sa contribution au redressement économique du pays ?
C’est la mère de toutes les batailles. Le Mouvement Arménien veut s’engager sur le versant économique. Préparons le terrain à l’investissement, à la valorisation et la dynamisation du tissu économique arménien. Il n’y a plus que cela pour nous distraire de l’angoisse tétanisante d’être éradiqués, de l’aigreur insondable que nous inspire la dimension puérile du débat politique.
Trouvons l’interstice qui nous permette, en tant que diaspora, de nous impliquer à un degré plus haut que la dimension humanitaire qui n’est qu’un premier soin. Soignons l’Arménie par l’engagement.
Offrons nous cette faveur de préparer les conditions d’un pays Arménien en mouvement. Un pays saisi par son peuple dans un de ces moments historique où l’élite s’est éloignée de son rôle de pilote et qu’elle doit être vidée, retraitée, remplacée à un degré bien plus haut que ne l’a pu la Révolution de Velours qui donnait pourtant le ton.
Mais pour l’heure et en ce qui nous concerne en tant qu’Arméniens éloignés du pays, contentons nous de nous positionner résolument contre la corruption, pensons et agissons en réalistes, animés tout de même par un idéal, celui de rebâtir plus fort, comme le chantait le grand Aznavour.
Pour le pire et pour le meilleur, c’est comme cela que la grande famille des Arméniens traverse les époques, où qu’elle soit dispersée. Elle se souvient, cette grande famille, des pires adversités et des plus beaux lendemains.
Paris, le 25 mai 2021
Rémy Makinadjian, Président du Mouvement Arménien
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